Cher corps


DANSER DEVANT SON MIROIR

J’e t’aime, je peux te le dire, sans douter de mes mots. Je peux te l’écrire, sans avoir l’impression de me mentir. Il me semble que c’est la première fois que je ressens cela et surtout, que j’ose l’écrire. Je suis rentrée d’une petite randonnée de quelques heures, en sueur et rêvant d’une douche bien froide, je me suis déshabillée devant le miroir. Nue face à moi-même, j’appréciais ce que je voyais. Une peau hâlée, des petits seins, une paire de fesse rebondie, mon petit ventre avec son petit bourrelet en bas, mes cuisses non fermes mais fortes. J’ai dansé si fort, si longtemps, juste pour pouvoir t’admirer et te dire combien je t’aime. Toi, mon corps qui me permet de marcher, courir, escalader, grimper, nager, tenir debout, avancer, toujours. Pour le coup, toi, contrairement à moi, tu ne m’a jamais lâché. J’ai parfois mal aux genoux à force de crapahuter, quand je m’amuse à entreprendre des descentes périlleuses et que je te demande de m’accompagner, jusqu’au bout. Mais j’ai appris à t’écouter, à me résonner quand c’est trop. Toi, tu es toujours là. Et pourtant, je t’ai tant détesté.

UTILISER SON PASSÉ COMME UNE ARME

Je t’ai vomi pendant des années. Détesté parce que mon entourage et la société me faisaient comprendre que tu n’étais pas assez bien. Trop gros et à la fois pas assez, trop de vergeture et trop d’autres choses. Je comprenais donc que tu étais de trop pour ce monde … j’étais de trop. Et je sais tant que des milliards d’autres personnes ressentent cela.

Nous faire croire que nous ne sommes pas assez bien alors que nous sommes tout.

Que ce soit un regard de dégoût posé sur toi, un mot insidieux, une remarque sournoise, des publicités de femme au corps lisse et sans entache. Mais tes particularités, mon corps, sont mon histoire. Mes vergetures aux hanches, c’est les années à faire du yoyo avec toi. A te faire vomir pour une soupe de trop, puis à te faire assimiler une horde de nourriture à 4h du matin. C’est te faire perdre 5kg un mois et t’en faire reprendre 10, deux mois plus tard. Les cicatrices dissimulées un peu partout, c’est te faire saigner pour te faire comprendre que tu ne mérites rien. C’est la haine de soi.

Alors je te demande pardon, si tu savais comme je suis désolée, je ne savais pas, je ne pouvais pas savoir. Je ne savais pas que tu méritais mieux que tout ça, je ne savais pas que je te faisais du mal. Au contraire, si tu savais, j’avais l’impression que c’était toi qui me faisait du mal. Je pensais mériter mieux et je ne comprenais pas pourquoi j’étais enfermée en toi, alors que toutes les autres filles étaient sublimes. J’avais tant l’impression d’être punie, un karma ou j’en sais rien mais je n’avais qu’une envie : te tuer.

Les années se sont écoulées, j’ai grandi et grâce à l’espace de parole qu’offre Internet, j’ai commencé à comprendre que ce n’était pas normal. Je n’avais pas à te faire du mal, je n’avais pas à me détester ni à gommer mes particularités. Doucement, j’ai commencé à entreprendre des petites actions personnelles afin de te kiffer un peu plus. Puis il y a les autres, il y a les rencontres et il y a cette personne. Cette personne qui a voulu me posséder afin de me déposséder un peu plus de toi-même. A grand renfort d’humiliations et d’injonctions, j’ai disparue l’espace de quelques années et ce quelqu’un t’a emmené avec lui, mon corps. Je ne sais pas sur quel bord de route je t’ai abandonné cette fois-ci, sûrement sur celle de la honte et de la soumission. Une chose est sûre, cette fois-ci je ne te détestais pas, pire que ça, je laissais quelqu’un d’autre le faire à ma place. Trois années plus tard, lorsqu’une femme m’a ouvert les yeux et sauvé la vie également, j’ai réussie à sortir de cet enfer. Avec force et lucidité, j’ai laissé mon courage m’emporter, me relever afin de me réapproprier à toi. J’avais tellement la haine de m’être laissée faire face à cette personne, cette rage qui a été un moteur afin de ne plus être celle qui accepte les commentaires d’autrui sur toi et surtout ne plus être la fille qui n’aimait pas son corps. J’ai pris la claque de ma vie. Cette fois-ci c’était de trop, épuisée mais vaillante, j’ai persévéré. J’ai lu, écouté, vu tout ce que je pouvais afin d’acquérir les armes nécessaires pour te récupérer.

Règle n°1 : ne jamais maltraiter ce qui ne nous abandonne pas. A toi, cher corps.

RESPECTER SA PERSONNE

Cela faisait déjà plusieurs mois avant mon départ que je commençais à ressentir les effets de mon travail personnel. Mais je sais que ce voyage m’aide vers ce chemin. J’ai compris qu’il n’y avait qu’en respectant ses idées, ses envies et ses failles que l’on pouvait se sentir bien dans sa tête. Ce voyage, je le construis moi-même, je ne fais que ce qui me plaît. Si je veux partir trois jours sur une île et rouler en moto, si je veux passer ma journée au bord d’une plage à écrire ou randonner en montagne, je le fais. Il n’y a absolument aucune barrière à mes envies. Mon corps et ma tête s’en souviennent, je comprends que me respecter moi-même me permet d’être en harmonie avec ce que je suis. Etre en phase avec mes qualités et mes failles pour mieux appréhender qui je suis.

Il faut savoir se remercier soi-même, remercier ses réussites et ses erreurs. Accepter ses échecs, se rendre compte de ses grandioses avancées mais aussi de ses failles afin de cesser de se battre contre soi-même.

Réaliser tout ce dont tu es capable, cher corps, tu me portes si haut, si loin, toujours. Sans me donner d’objectif, tu m’as porté là où je n’aurais jamais pensé mettre les pieds. J’ai randonnée seule dans une montagne en Indonésie, j’ai nagé si longtemps auprès de poisson, j’ai crapahuté dans la jungle pendant plusieurs jours en Thaïlande, j’ai roulé seule en moto pendant des heures, je me suis laissée perdre dans des villages aux Philippines, j’ai affronté mon angoisse des transports en commun à Singapour, j’ai marché seule la nuit dans la capitale de la Malaisie, j’ai couru si loin et si vite pour échapper à la pluie à Bali, j’ai traversé des rivières à pied, j’ai tremblé de tout mon corps en grimpant sur des falaises, j’ai monté 24983 marches en Asie, j’ai fait l’ascension de deux volcans en Indonésie, j’ai plongé au milieu de l’océan entourée de banc de poisson, j’ai porté 15kg de sac à dos pendant des heures en marchant sous 30° … Et tu ne m’as jamais lâché. J’ai rayé des craintes et des angoisses, des barrières qui m’empêchaient de croire en moi.


Je t’invites vivement à visiter la chaîne Youtube de Léa Bordier, qui traite de ce sujet. Chaîne qui m’a donné le courage de publier cet article. Et surtout, exploses les normes, le 14 février, fais toi un bisou.


Malaisie, Georgetown, du 20 au 23 décembre, trois jours.

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2 commentaires sur “Cher corps

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