Emerveillée par les quelques journées que je venais de vivre, avec C. on s’était décidé à aller sur l’île de Siquijor et de Bohol. Deux îles non loin de l’île de Cébu on nous étions, il suffit de prendre un ferry depuis le sud de l’île, à Dumaguete précisément, et en quelques heures nous étions sur Siquijor. L’île est plutôt petite, reconnue par les philippin.e.s pour sa sorcellerie et sa magie noire, ses paysages et ses plages lui confère une certaine renommée chez les voyageur.se.s également.

Siquijor
La traversée pour rejoindre l’île est douce et permet de se laisser aller à quelques rêveries sur ce que l’île a à offrir, cela ne dure que quelques heures. Arrivé.e.s sur l’île, il faut s’armer d’une certaine force d’esprit pour passer au travers des loueurs de scooter, qui proposent leur meilleur prix à cet amas de touristes et voyageur.se.s qui s’abat ici. On se rend à pied à l’auberge de jeunesse, en bord de mer, sous le cagnard mais en seulement 15mn depuis le port.


Arrivé.e.s sur l’île en fin de journée, nous en profitons alors pour assister à un coucher de soleil en bord d’une jolie plage. Nous louons un scooter directement auprès de l’hostel et longeons nos premières routes sur l’île. Sable fin, eau chaude, doux horizon, une bière fraîche à la main et Siquijor nous attend. Je crois que jusqu’à présent, je n’ai pas connu de meilleure sensation que celle de flotter sur une mer calme entourée de couleurs pastels.

Les jours suivants sur l’île, nous reprenons le scooter et je me laisse happer par l’air chaud sur ma peau, le paysage verdoyant, les cascades et la route à n’en plus finir. On se décide à parcourir l’île, qui est petite, et à grimper sur le point culminant, et quelle hauteur à 628m d’altitude ! 😉 Parcourir des kilomètres infinies sur des routes ondulantes, j’ai la sensation d’être un serpent qui se faufile sur un terrain inconnu.



L’eau bleue se fond dans la jungle luxuriante, si le paradis s’est déjà retrouvé sous mes pieds, c’est alors à ce moment précis de ma vie. Je crois rêver de découvrir d’autres coins tout droit sortis de mon imaginaire, mais je découvre alors que Les Philippines vont m’en mettre pleins les yeux.
BOHOL
Après ces quelques jours sur la petite île de Siquijor, aussi douce et délicieuse soit-elle, nous décidons de la quitter pour Bohol, jolie île qui se situe au nord de Siquijor. Nous prenons un ferry, et comme je suis si contente de retrouver les sensations du bateau. Je sais que beaucoup détestent ces heures d’attente avec la mer à perte de vue et l’impatience de remettre les pieds sur terre. Mais je crois que c’est pour moi comme une pause sur le monde qui nous entoure. Un instant suspendu où tu te retrouves seul.e avec tes pensées et où aucune distraction ne peut t’en faire échapper. Je dois avouer ne pas trop savoir à quoi m’attendre en arrivant sur l’île, j’ai vaguement entendu parler de ses incontournables : Chocolats Hills, Panglao, tarsiers... Je crois que je suis à un stade de mon voyage où j’ai cessé de trop prévoir, de scroller les photos vendues sur Instagram, de m’imaginer monts et merveilles. Et je préfère me laisser guider par mon instinct, faire confiance, suivre les propositions, et c’est exactement ce que C. vient de faire « allez viens, Bohol c’est cool ! » OK!
J’aimerais vous narrer des aventures folles sur cette île, avoir de superbes photos de ses fameux incontournables, mais la vérité c’est que je n’ai pas vraiment visité Bohol. Je n’ai d’ailleurs comme seule image mentale mon hostel et l’océan à mes pieds. Je n’ai aucune photo des trois journées qui vont suivre, c’est pour dire. Si je fouille mon téléphone, j’arrive à retrouver le spot où je passe trois jours à écrire les pieds dans l’eau.
Je crois que nous avons besoin de cela avec C., ne rien faire, c’est faire quelque chose ? Lire, s’endormir devant le coucher de soleil, se lever et glisser dans l’eau, discuter, écrire, dormir et partager ses secrets. Besoin d’un temps d’arrêt, d’un moment suspendu. Par bonheur, nous avons tous.tes. les deux cette même envie avec C.
Vous prendriez bien d’un peu d’exotisme ?
Le temps défile sous nos yeux, la promiscuité est là, les langues se délient et les esprits s’égarent. Au détours d’une conversation, d’une soirée devant l’océan, je me balance sur le hamac tout en tricotant une mèche de cheveux, je suis au maximum de la détente. C. est assis sur le banc en bois, à côté de moi et il mange quelques chips, parce que je ne blague pas quand je dis que nous ne visitons pas visité Bohol, même sortir s’alimenter est compliqué à ce stade de nos vies.
Je ne sais pas si c’est le lieu, ma personne ou le moment qui permettent à C. de se confier sur un sujet qui semble le tracasser, sur ce qu’il garde au fond de lui. Il évoque une jeune femme, une rencontre, une tendresse. « J’ai rencontré une philippines sur Tinder, on discute ensemble depuis plusieurs semaines. » Je suis un peu attendrie par la timidité qu’il met à évoquer ce sujet. « On se rencontre bientôt, je vais la voir à Cébu City après Bohol. » Je comprends mieux ses moments passés sur son téléphone, ses regards perdus jetés sur l’océan. Il semble craindre ma réaction, du genre que je me moquerais qu’il se soit inscrit sur Tinder pour rencontrer quelqu’un. « Toute notre génération s’est inscrit au moins une fois sur l’appli » lui dis-je. C. me raconte chercher une relation stable, chercher la bonne personne, une femme qui aurait les mêmes attentes que lui dans une relation « qui est à 100% dedans, qui me montre qu’elle a vraiment envie d’être avec moi ». Je reste alors perplexe, pourquoi entamer cette recherche lors d’un voyage éphémère ?
« Je veux rencontrer une philippine car elles sont plus douces, plus agréables. Elles expriment facilement leurs sentiments comme moi. Avec les françaises, j’ai toujours galéré »
Malaise à bord, je ne comprends pas trop ce qu’il se passe mais je ne suis pas à l’aise avec ses propos. Je ne réagis pas, ne comprenant pas vraiment ce que je viens d’entendre. N’arrivant pas à poser des mots sur ce que je viens d’écouter, n’ayant pas encore assez de recul. Pourtant, je viens de faire face des propos sexistes avec une bonne couche d’exotisme. Porter une intérêt sexuel et/ou romantique pour l’ethnie d’une personne est tout sauf normal. Les femmes philippines seraient alors moins chiantes, plus bavardes, davantage jalouses, plus à 100% dans la relation, plus dociles ? Ces stéréotypes qui datent de la colonisation cachent une forme de racisme criant, et il est aussi violent de voir ces clichés projetés sur soi. Comment font les femmes qui ne répondent pas à ces clichés ? Elles s’y efforcent ou elles déçoivent ? Chers hommes, ne croyez pas être flatteurs en arguant ces mots sur des femmes que vous trouvez « exotiques ». Faut-il aussi se poser la question de pourquoi est-ce « galère » de relationner avec des femmes (ici françaises) ayant le même statut économique que vous, le même cadre de vie et évoluant dans le même environnement que vous. Pourquoi devoir se tourner vers des femmes moins indépendantes financièrement que vous ?
Demain, nous quittons Bohol, nous prendrons ensemble le ferry afin de rejoindre Cébu City où C. restera afin de rencontrer la fille de Tinder. De mon côté, je prendrai alors un bus jusqu’au port d’Hagnaya, où un ferry me déposera sur l’île de Bantayan. En attendant, je souri à C. lui souhaite bonne chance pour cette rencontre et jette mon regard sur l’océan.
Si tu souhaites approfondir ces questions, écoutes ce podcast de Grace LY et Rokhaya DIALLO.
Philippines, Sequijor & Bohol, du 10 au 16 janvier 2020.